
Suite à de nombreuses sollicitations de victimes et de témoins confrontés à des abus de pouvoir dans l’Église, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec plusieurs d’entre eux. Ce travail s’inscrit notamment dans le cadre de la recherche-action que je mène avec Edith Tarter Goddet et un collectif composé de thérapeutes, formateurs et pasteurs. Toutefois, les réflexions partagées ici relèvent de mon analyse personnelle et ne constituent pas une synthèse collective.
Je souhaite mettre en lumière certains mécanismes qui favorisent les abus en milieu ecclésial. Plus précisément, la combinaison de la « starification » et de la « clanification », lorsqu’elle s’accompagne d’une absence de régulation, crée un terrain propice aux dérives autoritaires. L’objectif est d’identifier ces facteurs, d’analyser leurs effets et de proposer des solutions pour prévenir les abus.
Le phénomène de starification
L’exaltation excessive de certaines figures charismatiques, qu’elle repose sur leurs compétences, leur verve oratoire ou leur audace, pose question. Ces leaders bénéficient souvent d’une reconnaissance et d’une idéalisation parfois disproportionnées.
Ce type de dynamisme peut générer un effet d’admiration et d’émulation, consolidant ainsi leur influence. Toutefois, lorsque cette starification n’est pas encadrée, elle peut conduire à une forme d’asservissement des fidèles aux volontés et aux humeurs de ces figures emblématiques, justifié par leur mission supposée et leur contribution à la cause religieuse.
L’absence de critique et l’admiration inconditionnelle rendent alors les fidèles vulnérables à la manipulation et à la soumission. Cette dynamique contribue à l’érosion du discernement et empêche une remise en question constructive.
Clanification et alliances
La « clanification » désigne la constitution de groupes restreints et soudés autour d’un leader charismatique. Cette dynamique repose sur des liens forts basés sur des expériences partagées, une vision commune et un sentiment d’appartenance renforcé.
Toutefois, cette cohésion peut être exploitée pour renforcer l’emprise du leader et neutraliser toute contestation interne. L’esprit de loyauté devient alors un outil de contrôle plutôt qu’un élément structurant sain. Les critiques externes sont discréditées, et la redevabilité devient sélective, privilégiant la protection des figures d’autorité au détriment des victimes.
Cette culture de protection mutuelle et d’opacité favorise l’impunité et perpétue les abus.
Recommandations pour prévenir les dérives
Face à ces risques, il est essentiel de mettre en place des mécanismes de régulation efficaces. Voici quelques pistes d’action :
- Mécanismes de responsabilisation : Créer des structures de contrôle et de signalement indépendantes, avec des procédures claires et accessibles.
- Formation à la prévention des abus : Sensibiliser les fidèles et les responsables religieux à l’identification des signes d’abus et aux stratégies de manipulation.
- Promotion d’une culture de questionnement : Encourager une attitude critique constructive envers l’autorité, afin d’éviter les dérives idolâtres.
- Renforcement des structures de gouvernance : Assurer transparence et redevabilité en renforçant la surveillance institutionnelle et la prise de décisions collégiale.
- Recherche et collecte de données : Mieux comprendre les dynamiques d’abus par des études approfondies et une analyse des témoignages.
- Approche systémique : Travailler à la prévention et à la sanction des abus en considérant les interactions entre les facteurs psychologiques et structurels.
- Collaboration interinstitutionnelle : Renforcer les liens entre institutions religieuses, société civile et autorités publiques pour un suivi efficace.
- Protection des victimes : Garantir un accompagnement psychologique et juridique pour les victimes d’abus.
L’ensemble de la communauté ecclésiale a un rôle à jouer dans la prévention et la résolution de ces problématiques. C’est en mettant en place des mécanismes de régulation et en encourageant une culture de responsabilisation que nous pourrons avancer vers des pratiques plus saines et respectueuses de chacun.
Extrait d’un texte du recueil : Après la pluie…
On m’a choisi, pour faire perdurer une œuvre qui commence à avoir de l’âge
Pour être pertinent aujourd’hui et pour rendre audible le Message
Alors parmi mes contradicteurs j’ai fait le ménage
Et tous mes collaborateurs frisent le surmenage
Je sais bien que qui compare n’a pas raison,
Mais c’est là toute la base de ma motivation
Un concept neuf dans notre Église, et voilà que l’on m’idéalise
Des idées j’en ai plein, et voici que de partout on me courtise
Superlatif
Superactif
Qui peut le plus peut le moins
J’ai oublié que de Sauveur il n’y en a qu’un
Je crée des attentes partout où je passe
Car sans moi ils sont dans l’impasse
Je veux dans leur vie laisser des traces
Même si pour moi ils ne sont qu’une masse
J’ai bien intégré les pressions sociétales
Sur le réseau social je suis quelqu’un de spécial
Ils pensent tous que je suis une personne géniale
Ils ne se doutent pas de mon côté bestial
Superlatif
Superactif
Qui peut le plus peut le moins
J’ai oublié que de Sauveur il n’y en a qu’un
De ministre j’ai l’emploi du temps, d’homme d’affaire j’ai l’argent
Pour me servir ils sont tous partants,
De mon côté je profite, cette réussite m’excite
C’est comme si je n’avais plus de limites
Un mot de ma part et ils s’exécutent
Pour leur vie personnelle ils n’ont plus une minute
Pour la bonne cause, on ne peut pas faire de pause
Et finalement regarde ce rythme, c’est toi qui te l’imposes
Superlatif
Superactif
Qui peut le plus peut le moins
J’ai oublié que de Sauveur il n’y en a qu’un
Superlatif
Superactif
Qui peut le plus peut le moins
Le dictateur n’est pas loin
Soumis, asservis, ils n’osent plus rien dire
C’est normal, c’est moi l’Homme de Dieu, Celui qu’il a choisi et oint
Abrutis, peuples de fourmis, appelez-moi Sire
C’est trop tard maintenant, vous êtes tous miens.
Marie-Christine Carayol, extrait du livre Après la pluie