Alors que je ne suis pas particulièrement positionnée comme spécialiste du sujet, on me propose parfois d’intervenir sur le sujet du regard et de la place de la femme dans nos représentations et nos organisations chrétiennes. Lors d’une intervention pour un café théologique autour du sujet : Jésus, était-il féministe avant l’heure ? nous avons eu de riches échanges avec les personnes présentes. Je vous partage la conclusion que j’ai souhaité donner à ma présentation sur ce thème.
Une intentionnalité choisie et incarnée
Dans la prière sacerdotale relatée en Jean 17, nous pouvons réaliser toute l’ampleur de des intentions de Jésus, tout ce pourquoi il était venu.
Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés par la vérité (Jn 17 v 19). Dans ce verset, Jésus rappelle à son Père en présence de ses disciples que chaque instant de sa vie était consacré à la mission que son Père lui avait confiée.
En choisissant résolument de se l’approprier, elle a guidé chacune de ses actions, chacune de ses pensées.
Déjà à 12 ans, cette intentionnalité lui faisait faire des écarts de conduite, mettant à mal le 4ème commandement. Il commençait déjà tôt à mettre à mal l’ordre établi, le statut des uns et des autres, à bousculer les traditions, à remettre en question la loi.
Pour spécifier encore la teneur de sa mission, Jésus dira dans Jean 12 v 46 : Moi qui suis la lumière, je suis venu dans le monde pour que celui qui croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres.
Une mission qui dépasse les traditions en vigueur
Jésus parlait en lieu et époque à des gens doublement enfermés : prisonniers de leurs traditions et du regard des autres (Jn 3 v 2).
Ces normes culturelles faisaient ils partie de ces ténèbres évoquées par Jésus qui les empêchaient de voir le royaume de Dieu en Jn 12 v 46 ?
Ces traditions leurs pesaient tellement qu’ils interpellaient toujours Jésus avec des questions du même type : peut-on faire, ne peut-on pas faire ceci ou cela…, pendant que Jésus leur annonçait le Royaume de Dieu, la réconciliation même avec le Père, faveur qu’ils cherchaient justement à atteindre par tous leurs préceptes de vie.
Cette lumière du Royaume de Dieu était donc difficilement perceptible tant elle était recouverte de couches de moralités, d’obligations et de sanctions.
Gagner l’approbation du Père, en faisant ce qu’il faut faire, et ainsi ne pas être capable ne pas voir ce que lui est venu faire, ça vous dit quelque chose ?
Jésus est-il venu pour bousculer les traditions, révolutionner les rapports entre humains ? Dans un certain sens oui, mais ce n’est pas sa finalité.
Oui il révolutionne les rapports parents-enfants, la place des hommes (rappelons-nous de l’honneur bafoué de Joseph) et la place des femmes. Par lui elles deviennent disciples, (Marie de Marthe et Marie) apôtres, (Marie de Magdala), sacrificateurs (la femme qui lui parfume les pieds), prophètes (la femme samaritaine)…
Mais ce n’était pas sa mission première. Sa vie était toute dédiée au but ultime de son sacrifice d’amour pour rétablir ce qui avait été prévu à l’origine, l’homme vivant pour Dieu et avec Dieu.
Non pas libérés de …mais libérés pour…
Jésus certes est venu pour libérer comme il le dit lui-même en Jean 8 v 36 : Si donc le fils vous affranchit vous serez réellement libre… mais on ne peut pas réduire Jésus à un révolutionnaire rétablissant la justice et l’égalité.
Il leur a dit vous serez réellement libre mais les a t’il libérés de l’oppression des romains ? Non
Jésus n’a pas seulement libéré de….mais il a libéré pour….
La vraie liberté n’est pas seulement d’être libéré de, mais réellement d’être libéré pour. ..
Jn 17 v 18 Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie.
Jésus nous a libéré de la condamnation et par là même il nous a libéré du joug humain, du regard des autres, des codes et de normes, des biens de ce monde. Nous sommes libérés pour être envoyé.
Nous sommes libérés pour être envoyé
Jésus venait libérer les hommes du joug des hommes, eux venaient sans cesse avec leurs questions sur la tradition, sur ce qu’il faut ou pas ?
Comment peut-on être envoyé si on est enfermé ?
Quels sont les sujets de discussions, de préoccupations, d’étude biblique entre chrétiens ?
Nos sujets de rencontres ne devraient-ils pas tous concerner l’envoi ?
Plutôt que nos échanges autour de : peut-on, ne peut-on pas, doit-on, ne doit-on pas faire ceci ou cela ?
Doit-on rappeler encore et encore que le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat ? (Mc 2 v 27)
Sommes-nous vraiment différents des juifs de l’époque ?
Ne sommes-nous pas dans le même mouvement quand nous disons : faut-il, ne faut il pas ? Est-ce chercher d’abord le Royaume de Dieu ? n’est-ce pas réduire Jésus à ce qu’il n’est pas venu faire ?
Ces discussions et recherche de pureté ne voilent ils pas justement ce que lui est venu faire pour nous ?
Nous sommes parfois tellement remplis de nous-mêmes pour essayer d’obtenir l’approbation de Dieu, que nous oublions ce que lui est venu faire pour nous.
Alors Jésus féministe avant l’heure ?
Le but de Jésus était-il de libérer les femmes du carcan de la tradition juive de l’époque ?
Cette œuvre de libération fait partie d’une mission tellement plus grande. Il est venu accomplir tellement plus que de combattre la question des codes de conduites à tenir ou non.
Jésus se déplace d’un endroit à l’autre pour annoncer la Bonne Nouvelle, quand il a faim il mange, quand il voit un malade et que ça le touche il le guérit, quand il rencontre une femme, il s’adresse à elle. Tout cela intégré dans une intentionnalité tellement plus grande que simplement de révolutionner les mœurs en vigueur.
Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique (Jn 3 v 16). Se séparer de son Fils lui a couté, et si c’était juste pour avoir un gentil justicier qui remet les points sur les i a certains ou un libérateur de contexte à l’instant T, cela n’aurait pas valu toute cette peine-là. Le monde a connu ses Gandhis, ses Che Guevara, ses commandants Massoud, ses Nelson Mandelas et même ses Denis Mukwege…
Ne minimisons pas cette œuvre de libération qui nous arrache à la mort éternelle par des sujets qui relèvent certes d’un débat sociétal à avoir, mais en les engageant du point de vue théologique nous perdons parfois de vue l’essentiel. Ne perdons pas ainsi notre temps car si nous nous définissons comme disciple, c’est que nous sommes envoyés et ainsi nous devons rester focalisés sur l’annonce de la Bonne nouvelle de la réconciliation possible avec Dieu le Père.
Apprenons-nous aussi à voir au-delà, le royaume de Dieu à besoin de chaque hommes et femmes appelés à la liberté et libres en Lui.