
Le monde réel est un monde de chaos. La culture change si rapidement et avec tant de diversité, va dans de si nombreuses directions simultanément et en utilisant tant de nouvelles méthodes d’apprentissage, que les groupes d’Églises organisés autour de principes traditionnels ne peuvent pas suivre le rythme. Ils dépensent de plus en plus d’énergie à se lamenter sur le changement, à résister au changement, à lutter contre le changement, à exprimer leur colère face au changement, à essayer désespérément de » gérer » le changement ou tout simplement à » survivre » au changement. Le changement, cependant, ne disparaîtra pas. Il est implacable – et il s’accélère ». Thomas G. Bandy
Cette citation nous apparaît d’autant plus vraie avec ce que nous avons pu vivre cette dernière année avec la crise du COVID.
L’ acronyme VUCA dérivé du vocabulaire militaire qui désigne les termes suivants :
Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity, introduit par le US Army War College dans les années 90, pour décrire le monde après l’effondrement de l’URSS, est devenu d’autant plus réel et plus présent à tous niveaux de notre vie et aussi dans nos églises.
Nous avons tous pris conscience que le changement n’est donc plus une option, et bien plus il n’est plus envisagé à l’instant T, allant d’un point A à un point B. Nous évoluons à l’ère du changement permanent
Selon le psychothérapeute Christophe André, l’esprit humain entretient avec le changement une relation paradoxale : par bien des aspects, nous aimons l’idée et le concept de changement, et parfois nous y aspirons. Mais cela n’empêche pas que sa mise en oeuvre concrète génère souvent en nous des réticences, hésitations, voire des peurs ou des aversions intenses et quelquefois illogiques.
En réalité, il n’y a rien d’étonnant à la peur du changement, et ce pour deux raisons principales : la première est que tout changement dans nos vies représente ce qu’on nomme en médecine un stresseur (une source de stress au sens large) la seconde, c’est que tout changement implique des gains et des pertes.
Tout changement représente un « stresseur »
.Dans les recherches conduites sur les relations entre stresseurs et événements de vie, tout changement est considéré a priori comme un stresseur et se voit à ce titre affecté d’un chiffre allant de 0 à 100, évaluant le poids éventuel de cet événement sur la santé de la personne : on a montré qu’une dose de changements trop élevée dans les deux années précédentes représente un facteur de risque en matière de santé. Dans les listes de ces échelles figurent bien sûr des événements douloureux (deuils, chômage), mais même les changements positifs ou bénins sont concernés : promotion, mariage ou naissance d’un enfant, déménagement, etc., représentent eux aussi des stresseurs en tant que changements mobilisant de l’énergie et induisant de la fatigue.
Tout changement comporte des gains et des pertes
La plupart des changements impliquent des pertes et des renoncements, ne serait-ce qu’aux habitudes prises. Or, en tant qu’humains, nous sommes plus sensibles aux pertes qu’aux gains, notamment quand les deux coexistent. Pour des raisons liées à l’évolution de notre espèce (la priorité donnée au dépistage des dangers éventuels), notre cerveau est toujours plus sensible au négatif qu’au positif. C’est pourquoi, dans la plupart des situations de changements, nous percevons d’abord, automatiquement, ce que nous allons perdre (ou du moins ce que nous pensons perdre). La perception de nos gains à venir nécessitera en revanche un effort ou des preuves tangibles, là où la perception et l’anticipation de nos pertes éventuelles se feront intuitivement et sans effort.
D’autres rouages psychologiques sous-tendent l’aversion spontanée au changement, présente chez la plupart des humains (à l’exception d’un petit sous-groupe, au contraire « accro » au changement, qui va, lui, à l’inverse, être allergique à l’habituel et au prévisible).
L’allergie à l’incertitude
Le cerveau humain est allergique à l’incertitude : comme celle-ci peut toujours cacher un danger, nous y réagissons en général par du recul ou de la méfiance. Le phénomène est, là encore, relié à nos racines animales : lorsqu’on est une proie (et les humains ont longtemps été des proies avant de devenir les grands prédateurs de la planète), toute forme d’incertitude (un bruit, une odeur, un mouvement inhabituels et dont on ne peut préciser clairement la nature exacte) est associée, par réflexe et par défaut, à la possibilité d’un danger. La grande loi de la nature et du vivant est qu’il vaut mieux une fausse alerte qu’un manque de vigilance : la première nous coûte cher en stress et en dépenses d’énergie mentale (toujours surveiller, toujours s’inquiéter) mais assure notre survie la seconde est plus confortable, mais nous surexpose aux risques imprévus.
C’est pourquoi, chez les humains, l’incertitude génère le plus souvent de l’anxiété, ce sentiment de crainte et d’inconfort lié à l’impossibilité de pouvoir prévoir et contrôler ce qui va advenir. Et chez les humains les plus sensibles s’installe une forme particulière d’anxiété excessive, nommée « anxiété généralisée » : c’est une véritable intolérance à l’incertitude, qui va entraîner de nombreux symptômes (ruminations, tensions physiques), déclenchés par tout ce qui est nouveau, incertain et imprévisible (c’est-à-dire la vie en général et le futur en particulier).
Une autre façon de réagir à l’incertitude (et tout changement représente une forme d’incertitude) est de la transformer en certitudes négatives : c’est le mécanisme du pessimisme. Plutôt prévoir qu’attendre sans savoir, et plutôt prévoir le pire qu’accepter l’incertain…
Mais pourtant, ECCLESIA REFORMATA SEMPER REFORMANDA « l’Église réformée est toujours à réformer » dit le célèbre adage du XVIIe siècle qui nous vient des milieux piétistes hollandais.
Alors le changement, contrainte ou opportunité ? Il apparaît de plus en plus clairement que cette crise sanitaire entraîne des transitions nécessaires au vu des impossibles rassemblements physiques de ces derniers mois et de certaines prises de consciences ou nouvelles habitudes prises par les fidèles.
Lorsque le monde autour de nous évolue et se complexifie, nous prenons conscience que nos habitudes et nos comportements (individuels ou collectifs) ne sont plus appropriés et nous sommes confrontés au besoin d’évoluer.
Nous sommes d’accord qu’aujourd’hui nous devons changer simplement pour ne pas mourir. Comment allons-nous choisir de vivre les étapes de cette transition nécessaire en église ? Le schéma ci dessous nous permet de conscientiser la dynamique :
a. Le déni – Nous ressentons une tension et nous tentons de faire de petits ajustements pour retrouver une situation d’équilibre
b. La fuite – Si les petits ajustements ne permettent pas de résoudre la tension, cela suggère qu’il y a des changements plus importants en jeu. Nous avons généralement tendance à fuir de tels changements, car ils impliquent souvent de devoir quitter un environnement familier, mais aussi parce que les solutions ne sont généralement pas encore visibles à ce stade ou parce qu’une nouvelle perception du monde est en développement mais pas encore aboutie.
Il existe une alternative à la fuite qui est une acceptation d’un changement turbulent et une disposition à lâcher prise sur l’ancienne situation. Cette voie alternative s’appelle « le flex » et permet d’éviter de passer par une crise pour évoluer.
c. La crise – La fuite des changements, pourtant évidents, font encore monter la tension. Celle-ci peut s’élever à un point tel que nous ne pouvons plus ignorer le changement et les solutions qui se présentent. Le premier réflexe est souvent de chercher des solutions dans le passé parce que cela paraît moins dangereux que d’aller vers l’inconnu. Il se peut que cela résolve temporairement la tension, ce qui nous permet de retourner temporairement à notre état d’équilibre initial. Avec le temps, si l’environnement s’est complexifié, il est fort probable que la tension revienne sous une forme ou une autre. Nous constatons alors que le résultat des solutions éprouvées du passé est encore pire que la tension initiale.
d. L’évolution – La crise mène inexorablement à une prise de conscience qui nous ouvre une nouvelle manière de penser et nous permet de développer de nouvelles pratiques, découlant sur un changement durable
e. L’équilibre – Pour l’église, est ce que le but ? l’équilibre et la stabilité, ne sont-ils pas plutôt un signe de léthargie ou de sclérose ?
« Si vous voulez vraiment voir l’innovation se produire, trouvez une crise. C’est au milieu d’une crise que nous nous rendons compte qu’une fin est proche ou qu’un nouvel avenir est en train de naître. A l’arrivée d’une crise, nous sommes également sur le point d’expérimenter un grand moment. C’est à ce moment-là que nous devons décider : innover ou mourir » –
Selon les constats de Pascal Bonnaz, les églises réagissent de différents manières à la crise actuelle :
– ceux qui survivent et qui attendent le retour du « monde d’avant ». Ils sont principalement motivés par la crainte.
– ceux qui s’adaptent et qui « font des retouches » – attendant aussi un retour à l’ancienne normalité.
– ceux qui se remettent en question, avec humilité et repentance profonde – Ils cherchent du sens, de la signification à ce qui se passe, plutôt que blâmer les circonstances – Ils vont effectuer des réformes profondes dans leurs fonctionnements, leur vie d’église, etc.
– ceux qui saisissent les opportunités et qui innovent (avec esprit pionnier). Ils vont grandir. Ils sont centrés sur les autres et sur le Royaume de Dieu – Ils veulent laisser un héritage derrière eux.
→ Ceux qui se reconnaissent dans les 2 derniers groupes avancent vers la nouvelle normalité !
Laura, 40 ans, trésorière au sein d’une église en milieu rural de 80 personnes, CAEF nous partage son point de vue : C’est super important de casser une tradition, une routine. Dans mon église on dit souvent : ça a toujours été comme ça ! Mais Dieu ne nous met jamais dans des routines, on est toujours chamboulé et c’est là qu’on peut compter sur la grâce. |
Pourquoi cette peur du changement et cette tendance à la routine ?
Parce que je pense que nous confondons parfois le fait que Dieu ne change pas => Jacques 1 v 17 toute grâce excellente et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières, chez lequel il n’y a ni changement ni ombre de variation. au fait que l’église elle aussi est immuable et ne doit pas changer. Mais c’est justement parce que Dieu ne change pas que nous pouvons changer. Dieu n’est ni volatile, ni incertain, ni complexe ni ambigu. Il est est restera toujours le même.
Nous confondons aussi la forme et le fond, les changements de surface et le changement de normes. Mais l’apôtre Paul nous dit que ce n’est pas en conformité à ce qu’il se passe qu’il faut changer mais dans notre esprit, dans notre façon de comprendre les choses, d’analyser, et de réfléchir : Romains 2 V 2 : Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait.
Aujourd’hui est une saison d’opportunité pour l’église d’entrer dans cette dynamique de changement permanent, car il est rappelé en Hébreux 12 v 26 à 28, que les choses inébranlables subsistent. 26 Lui dont la voix avait alors ébranlé la terre, il a maintenant fait cette promesse: Une fois encore je fais trembler non seulement la terre, mais aussi le ciel.27 Les mots une fois encore indiquent bien que les choses qui, appartenant au monde créé, peuvent être ébranlées disparaîtront, afin que celles qui sont inébranlables subsistent. 28 C’est pourquoi, puisque nous recevons un royaume inébranlable, attachons-nous à la grâce qui nous permet de rendre à Dieu un culte qui lui soit agréable, avec respect et avec piété.