Un défi stimulant et porteur de sens !
Accueillir un enfant, l’accompagner dans son développement en lien avec sa famille et son environnement social, nécessite un travail d’équipe solide et cohérent. Or les équipes expérimentent de nombreux obstacles à la coopération en situation de travail. Travailler en équipe nécessite donc d’examiner et de lever des obstacles de tout type et le manager va y être confronté au quotidien. Nous avons observé que le manager en EAJE est souvent victime d’une déformation professionnelle. Il essaye tant que faire se peut, de trouver le positionnement le plus juste possible entre les besoins de son équipe et les besoins de sa structure, si bien qu’il en vient à oublier ses propres besoins…ou quand il cherche à les rejoindre, il va lui être difficile de gérer la triangulation et va donc essayer de rejoindre les siens au détriment de ceux de l’équipe. Quel mode de management déployer alors pour permettre à l’équipe de réaliser ses missions dans la sérénité et au manager de se sentir à sa place dans ses missions ? Comment faciliter auprès de chacun une prise de conscience confiante dans son potentiel d’évolution et de changement et co-construire un chemin partagé vers une amélioration continue du bien travailler et vivre ensemble ?
L’approche systémique, un guide pour le manager
En cas de conflit dans son équipe, le premier réflexe du manager sera de chercher la cause de la problématique : cibler le fonctionnement d’un individu ou de l’équipe, l’histoire de l’équipe, les enjeux actuels, la pression exercée par les gestionnaires, par les parents etc… Or pour comprendre un phénomène, l’approche systémique nous propose d’abandonner la recherche de la cause, au profit des paramètres influents, sachant qu’il ne pourra pas isoler tous ces paramètres. Elle nous propose aussi de nous concentrer sur le changement.
L’approche systémique du changement consiste à répondre à une demande en s’appuyant sur les composants fondamentaux du système afin d’élaborer et mettre en œuvre une stratégie destinée à mobiliser le ou les acteurs concernés dans une direction précisée avec le demandeur. Elle nécessite la mise en place d’ajustements successifs pour réguler les résistances spontanées ou organisées des acteurs et pour s’adapter aux pressions et/ou aux évolutions de son environnement.
Nous proposons pour appréhender les dysfonctionnements d’une équipe et leur évolution possible de s’appuyer sur les principes de compréhension de l’Elément Humain®, une approche systémique du développement des personnes, des équipes et des organisations qui fait le lien entre estime de soi, performance individuelle et réussite collective. Créée et développée par William Schutz psychologue et statisticien américain, pionnier de l’étude des relations interpersonnelles et de l’accompagnement des équipes, cette approche a acquis une renommée internationale pour traiter des problématiques humaines dans les organisations et trouve aujourd’hui toute sa place pour accompagner nos transformations. Dans son livre il nous propose un nouveau guide de lecture des interactions nécessaires entre un manager et son équipe, notamment de visualiser les liens entre estime de soi, confiance et performance.
De nouveaux indicateurs de fonctionnement d’une équipe
De manière générale nous pensons que la construction d’une équipe est achevée lorsque les objectifs de l’équipe ou de la mission sont clarifiés, lorsque les différents rôles et leur validité sont compris et reconnus et, enfin lorsque les capacités de négociation et de communication se sont améliorées. Or les hypothèses de L’Elément Humain sont qu’un travail d’équipe de moindre qualité n’est pas lié aux différences entre les membres, mais plutôt à leurs rigidités (c’est-à-dire, à des attitudes qu’ils maintiennent rigides) Les rigidités surviennent lorsque les personnes ont une faible estime d’elles-mêmes, sont défensives et ont peur (par exemple, d’être incompétente). Pour faire disparaître ces rigidités et améliorer le travail d’équipe, les peurs doivent être abordées ouvertement et en toute franchise.
Concernant l’Evaluation de la performance l’idée communément admise est que le manager collabore avec l’employé pour améliorer la performance de celui-ci, en négociant les attentes de la fonction, en rédigeant des critères d’évaluation, en menant une séance de feedback directe dans le soutien, et en discutant du comportement plutôt que de la personne. L’hypothèse de L’Elément Humain est celle que la performance d’un employé résulte largement de la relation qui existe entre lui et son manager. Par conséquent, l’amélioration de la performance est une réussite, si la relation entre les deux protagonistes s’est d’abord améliorée. An niveau de la prise de décision l’idée préconçue est la suivante : les décisions devraient être prises objectivement, et non subjectivement. Chacun doit se comporter de façon « professionnelle » (c’est-à-dire en faisant abstraction de ses sentiments).
L’hypothèse de L’Elément Humain concernant ce point est que les sentiments existent. Lorsque chacun gère ses sentiments de manière consciente, les exprime, les intègre dans le processus de décision, et est conscient du moment où ils sont utiles et des moments où ils déforment la réalité, alors les sentiments participent pleinement à améliorer la créativité. L’Idée préétablie au niveau de la responsabilité est la suivante : il est important que chaque tâche soit rattachée à une personne qui en est responsable. En cas de problème, cette personne sera tenue pour responsable et le problème sera résolu plus rapidement. Hypothèse de L’Elément Humain : lorsque quelque chose va mal, la responsabilité est partagée à 100% par tous et personne n’est à blâmer. Alors chacun se sent appartenir à une équipe et essaie de résoudre le problème . Et enfin concernant le changement, l’idée préconçue est la suivante : pour conduire au changement, il faut inscrire les employés dans un programme de changement, formel ou informel, poser des objectifs, établir des limites dans le temps, rédiger des procédures, créer des jalons intermédiaires, construire des gardes – fous, et récompenser tout au long du processus. Or pour L’Elément Humain les méthodes de changement fonctionnent très bien si tous les participants ont pris la décision fondamentale de changer. Si tel n’est pas le cas, alors on se retrouve dans un « programme-minceur » (Perdez 20 kilos et reprenez-en plus après !) Ces employés doivent d’abord comprendre leurs résistances à ce changement, quel est leur bénéfice secondaire à ne pas changer et qu’elle est leur peur majeure par rapport à la nouvelle situation ? S’ils sont clairs sur ces sujets-là, et qu’ils décident de changer, alors le programme fonctionnera.
Grandir en connaissance de soi pour se libérer de ses peurs et devenir un manager-facilitateur
Dans le cadre de mes analyses de pratiques, je perçois souvent une certaine ambivalence chez les équipes, qui semblent ne connaître que 2 postures possible : Les équipes ayant des managers plutôt non directifs ont tendance à souhaiter un manager qui tranche, qui prends des décisions et guide l’équipe, alors que ceux qui travaillent avec ce profil de manager souhaitent plus d’écoute et moins de directivité. Difficile de trouver l’équilibre, de trouver une manière de diriger qui prenne en compte les intérêts et les contraintes de chacun. Ce n’est pas l’équilibre entre une posture et une autre qui est à trouver, mais un autre positionnement, c’est-à-dire de faciliter plutôt que manager. En quoi consiste cette nouvelle posture ?
Un manager facilitateur.. :
Inclut : Il travaille à la mise en sécurité affective des membres de l’équipe, par la reconnaissance, la bienveillance et l’accueil mutuel, oser s’accorder 5 mn pour se connecter à l’humanité de l’autre (être) avant d’envisager son rôle (faire),
Ouvre l’échange : Il facilite ce travail de maïeutique et de partage de la parole où le sujet du moment est placé au centre et se révèle au collectif par le questionnement authentique, l’intérêt porté à la parole de l’autre et l’enrichissement de ses apports,
Favorise l’émergence : Une émergence est une possibilité nouvelle, une potentialité, un éclairage différent qui s’exprime lorsque les conditions sont réunies. Elle se nourrit de cette nécessaire « défixation » de l’objectif qui autorise l’inédit au détour d’échanges informels, mais également de la capacité du facilitateur de se saisir des signaux faibles pour les transformer en opportunités d’apprentissage,
Soutient : Il donne les autorisations et les protections nécessaires, fluidifie les processus, sert, articule et relie, rend les choses possibles, sans les vouloir ou les diriger, bref se met à disposition pour faire exister et briller les autres,
Rythme : Il réussit à faire cohabiter les temps de divergence (ouvrir), d’émergence (révéler) et de convergence (fermer) par une posture spécifique à chaque moment, une maitrise de l’alternance et des énergies. Le rythme et la teinte de chaque instant doivent être suffisamment marqués pour permettre le chaos, l’effervescence et l’avancée,
Régule et ajuste : il ramène l’équipe vers ses missions et ses règles, quand celles-ci sont transgressées, quand les échanges ne sont plus au bon niveau, quand la cible n’est plus alignée,
Méta communique : Il communique et donne du feed-back sur les processus de communication en cours, aide l’équipe dans sa prise de hauteur, recadre les perspectives et le sens et permettre une autre lecture des situations,
Libère les émotions : Il sent l’état interne de l’équipe, accepte ses émotions, reconnait et fête les réussites, surfe sur les joies, les peines, les doutes, pour renforcer l’intensité et le goût des expériences. Il maitrise la contagion émotionnelle et la transforme en mouvement,
Modélise les apprentissages : Il aide l’équipe dans sa réflexivité et son objectivation des connaissances émergentes, pour prendre conscience du chemin parcouru et préparer la socialisation des connaissances développées. Cela implique de pouvoir mieux se connaitre pour mieux travailler avec ses limites et ses forces et manager en conscience et avec intentionnalité. Cela suppose de pouvoir à la fois s’appuyer sur les ressources des employés mais aussi pouvoir s’assurer que l’orientation prise en commun soit appliquée.
Bibliographie : Dominique Bériot, Manager par l’approche systémique, Eyrolle 2006 Gary Hamel, La fin du management, inventer les règles de demain, Vuibert 2008 William Schutz, L’élément humain – Comprendre le lien entre estime de soi, confiance et performance, Interéditions 2018